Mot-clé "nature et culture"

Bruno Latour conteste vivement la distinction classique entre nature et culture que l'on retrouve dans la pensée occidentale. Cette distinction se base sur une conception qui considère que la nature appartient au domaine de l'objectivité, du concret et de l'universel, tandis que la culture est associée à la subjectivité, à l'interprétation et au relatif.

Selon Latour, cette séparation est une construction sociale qui n'a pas de fondement réel. Il argumente que ce que nous appelons "nature" et "culture" sont en réalité intimement entrelacés et se façonnent mutuellement. Il propose plutôt une vision hybride du monde où humains et non-humains, nature et culture, s'entremêlent constamment.

Prenons un exemple historique: la découverte de la pénicilline.

La pénicilline est un médicament découvert par Alexander Fleming en 1928. Selon la distinction classique entre nature et culture, nous pourrions considérer la pénicilline comme un produit de la "nature" car elle est produite par un champignon, le Penicillium notatum. Cependant, sa découverte, sa production à grande échelle et son utilisation comme antibiotique sont toutes des activités "culturelles", qui nécessitent des connaissances humaines, des technologies et des structures sociales.

D'abord, la découverte de la pénicilline est le résultat d'une série de pratiques culturelles spécifiques, comme la méthode scientifique et le travail de laboratoire. Ensuite, sa production à grande échelle a nécessité le développement de technologies industrielles et de processus de fabrication. Enfin, son utilisation en tant que médicament est liée à des institutions culturelles comme la médecine, qui décident quand et comment elle doit être utilisée.

Par ailleurs, la pénicilline a elle-même influencé la culture humaine. Elle a transformé la pratique de la médecine, en rendant possible le traitement de maladies auparavant mortelles. Elle a également eu des effets sur d'autres aspects de la société, comme la guerre (en rendant possible le traitement des blessures infectées) et l'économie (en créant une nouvelle industrie pharmaceutique).

Ainsi, pour Latour, la pénicilline n'est ni purement "naturelle" ni purement "culturelle", mais est à la fois et l'une et l'autre. Elle est le produit d'une interaction complexe entre les humains et le non-humain, la nature et la culture. Et elle est elle-même un acteur qui a façonné et continue de façonner le monde dans lequel nous vivons.